« Nous avons contré les critiques considérant la Garantie Jeunes comme une mesure d'assistance »
Jacques Lowinski, Président de la Mission Locale La Réunion Nord et de l’Association régionale des Missions Locales de La Réunion. L’île de La Réunion connaît un taux de chômage des jeunes particulièrement important - de l’ordre de 60%. L’expérimentation Garantie Jeunes, mise en place depuis plus d’un an sur l’île permet de redonner du souffle aux équipes des Missions Locales. Les effets s’en ressentent sur la qualité de l’accompagnement des jeunes et sur les partenariats avec le secteur économique.
Quels sont les principaux changements induits par l’arrivée de la Garantie Jeunes sur votre territoire ?
D. Sery :
directeur de la Mission Locale La Réunion Nord : Pour la première fois, la question du nombre de jeunes suivis par conseiller a été prise en compte. Sur notre territoire, un conseiller suit 350 à 400 jeunes, donc pour nous, l’accompagnement global et individualisé tel qu’il aurait dû exister n’était plus possible. En ce sens la Garantie Jeunes a avant tout été l’occasion de redonner du sens à cette notion d’accompagnement global.
J. Lowinski :
On recentre nos actions sur l’accompagnement collectif. On était tellement la tête dans le guidon, que l’on ne pouvait pas laisser la place à de l’ingénierie.
Comment les partenaires s’impliquent-ils dans l’expérimentation ?
J. Lowinski :
A La Réunion, les Missions Locales sont très connues des jeunes notamment en raison du fort taux de chômage que connait notre territoire. Dans le cadre de la Garantie Jeunes, quelques jeunes sont orientés par le département et par les Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) mais les orientations par d’autres partenaires restent marginales.
Quels sont, pour les jeunes, les effets de l’accompagnement que vous constatez dans le cadre de la Garantie jeunes ?
D. Sery :
D’habitude les parcours étaient particulièrement longs en raison de l’empilement des dispositifs. Ca ne s’enchainait jamais : les jeunes pouvaient faire une remise à niveau et attendre six mois une pré-qualification. A ce rythme là, on perdait les jeunes, ils ne revenaient plus.
Avec la Garantie Jeunes, même s’ils sont très éloignés de l’emploi, on fait en sorte qu’ils soient en situation de travail, tout étant sécurisé par le volet financier et par le volet social. Ces mises en situation de travail leur permettent de développer des codes, savoir-être et savoir-faire élémentaires, qu’ils n’ont pas au départ, faute de repères.
A La réunion, la Garantie Jeunes est-elle une manière de réaffirmer la place des Missions Locales dans les politiques d’emploi et d’insertion ?
J. Lowinski :
55 000 jeunes sont inscrits dans les Missions Locales à La Réunion, la reconnaissance est donc manifeste. Nous participons déjà inscrits au service public de l’emploi régional (SPER) et au service public de l’emploi local (SPEL). Je n’ai donc pas senti un changement significatif.
Le constat est-il le même en ce qui concerne les partenariats entre la Mission Locale et les acteurs du secteur économique ?
J. Lowinski :
Non, côté relation entreprise, on n’était pas assez performants. Le fait d’avoir pu réorganiser les équipes avec d’un côté des conseillers en insertion professionnelle qui connaissent le tissu économique et de l’autre, des nouveaux professionnels souvent issus du privé, ça nous a permis d’approfondir nos liens avec les entreprises, notamment en travaillant davantage sur leurs besoins et leurs projets.
Quels partenariats avez-vous noués par exemple ?
D. Sery :
Nous avons signé une convention avec Orange La Réunion à la fois sur les Emplois d’avenir et sur la Garantie jeunes. Le travail avec les TPE et les PME, qui composent entre 80 et 90% le tissu réunionnais, a également été approfondi. Travailler avec le secteur marchand a permis de contrer les critiques qui considéraient la Garantie Jeunes comme une mesure d’assistance et non comme un contrat, avec des engagements.
Comment les jeunes sont-ils impliqués dans l’expérimentation ?
D. Sery :
Nous avons initié diverses actions, comme le permis citoyen qui consiste à permettre aux jeunes de passer leur permis de conduire, en échange d’un engagement dans une action citoyenne. Des jeunes ont participé à la construction de supports pédagogiques pour la prévention routière par exemple, ont animé des séances d’information et de sensibilisation dans les collèges, etc.
Vous trouverez peut-être cela étonnant, mais beaucoup d’entre eux n’ont pas passé leur permis de conduire, malgré toute l’utilité que cela a pour se déplacer dans l’île. Ce sont davantage les actions citoyennes qui les ont intéressés, ce qui démontre bien que les jeunes ont envie de s’engager.
