Faire de l'estime de soi une question centrale dans l'accompagnement
La quinzaine de la santé des jeunes organisée en juin 2016 à l’initiative de la Fédération des Espaces santé Jeunes a été l’occasion pour la Mission Locale de Sevran, Tremblay, Villepinte (93) de mettre en valeur l’action « Escale Confiance », qui vise à améliorer l’estime de soi auprès des jeunes. Il s’agit d’une action emblématique de l’approche globale proposée par les Missions Locales, qui témoigne de la complémentarité entre l’accompagnement proposé par une psychologue et l’accompagnement que réalisent les conseillers. Gwendoline Desricourt est psychologue clinicienne à la Mission Locale.
Comment est née l’action « Escale Confiance » et en quoi consiste-t-elle ?
La mise en place de cette action est le fruit d’un engagement fort du Conseil d’administration et de la direction de la Mission Locale qui souhaitaient, déjà avant mon recrutement, en 2013, faire de l'estime de soi une question centrale dans l'accompagnement que nous proposons.
Lorsque j’ai rejoint l’équipe de la Mission Locale en tant que psychologue, j’ai animé un groupe de travail « Estime de soi » avec des conseillers qui avaient envie de faire évoluer cet axe de notre intervention en direction des jeunes.
A partir de nos idées et pratiques, nous avons construit le programme « Escale confiance » sur cinq demi-journées, comprenant différents ateliers sur les compétences psychosociales tels que bien se connaitre, gérer ses émotions, s'exprimer, faire une demande, dire non, s'affirmer, etc.
Un trimestre plus tard, la première session démarrait avec 11 jeunes. Volontairement, nous avions proposé l’action à tous types de jeunes que nous accompagnons et pour lesquels nous avions constaté qu’ils avaient besoin de reprendre confiance en eux.
Le soutien de la direction dans ce projet, l'implication des équipes dans sa mise en place sont donc des prérequis indispensables à la réussite de ce type d'action.
Sous quelle forme l’action se poursuit-elle aujourd’hui ?
Nous organisons une session tous les deux mois. Les ateliers sont co-animés par un conseiller et moi-même. A chaque session, c'est un conseiller différent du groupe de travail "Estime de soi" qui intervient. Nous sommes vigilants à ce qu’il n’y ait pas une multitude d'intervenants, ce qui pourrait mettre à mal le lien avec le groupe.
Au début, nous avions fait le choix de concentrer les ateliers sur une semaine, par peur que les jeunes décrochent si les ateliers s'étalaient trop dans le temps. L'expérience et les demandes des jeunes nous ont poussés à augmenter le nombre d'ateliers : nous en avons 15 actuellement, répartis sur deux semaines.
A partir de 2015, nous avons obtenu un financement de la Région, qui nous a permis d’enrichir notre offre : nous faisons intervenir un coach en communication et en théâtre, ainsi qu’une sophrologue avec laquelle nous avions l’habitude de collaborer.
Cette année, une conseillère a également proposé de contribuer au programme en animant des ateliers d’écriture, un autre conseiller a proposé d’animer un atelier "Marche et relaxation", comportant des exercices de respiration et de détente en plein air, au parc de la poudrerie situé à proximité de la Mission Locale.
L’action correspond-elle aux attentes et aux souhaits des jeunes ?
A partir du moment où ils s'engagent dans l’action, le taux de présence des jeunes est supérieur à 85%, ce qui est déjà un indicateur satisfaisant.
Nous faisons aussi une évaluation individualisée du niveau d’estime de soi des jeunes en début et en fin de session. Pour cela nous utilisons l’échelle de l’estime de soi de Rosenberg, qui permet d’évaluer l’estime de soi sur une échelle de 1 à 40.
Systématiquement, les évaluations montrent que les jeunes ont une meilleure image d’eux-mêmes à l’issue de l’action. Cet outil est un support intéressant pour permettre un temps de bilan avec les jeunes.
Une difficulté que nous rencontrons est la faible mobilisation des jeunes gens : nous avons toujours une part plus importante de femmes qui s’inscrivent et ce malgré le travail des conseillers pour sensibiliser les jeunes hommes à l’intérêt de cette action.
Au-delà de cette action, au sein de la Mission Locale, comment se complètent et s’organisent l’accompagnement des jeunes que vous proposez en tant que psychologue et l’accompagnement que réalisent les conseillers en insertion ?
Nos approches sont complémentaires ! Je reçois les jeunes dans le cadre d'un dispositif intitulé "Point Ecoute", financé notamment par l'Agence régionale de santé (ARS) sur un volet prévention. Je suis présente au siège de la Mission Locale, à Sevran, trois jours par semaine et sur les antennes de Tremblay et Villepinte, une journée par semaine.
Lors de leur premier accueil à la Mission Locale, tous les jeunes sont informés de la présence d’un psychologue au sein de la structure et ils savent qu’ils peuvent demander un rendez-vous à tout moment de leur accompagnement.
Lorsqu’un conseiller constate qu’un jeune est en situation d’échec ou qu’il rencontre des difficultés dans son parcours qui pourraient être liées à des facteurs d’ordre psychologique, il propose au jeune de me rencontrer. Pour faciliter la mise en relation avec le jeune, il est fréquent que je me déplace dans le bureau des conseillers, à leur demande. Cela permet de désacraliser l’image que les jeunes ont du psychologue.
J’anime aussi des ateliers d’une demi-journée sur l’estime de soi et sur les consommations de produits psychoactifs lors d’actions en collectif proposées par la Mission Locale : dans le cadre du Parcours d’orientation professionnelle (POP), de la Garantie Jeunes, de l’action « Mode d’emploi ».
Nous avons aussi un principe de transparence entre professionnels : quand je reçois un jeune accompagné par un conseiller en insertion, on se met d’accord sur les informations que le jeune est d’accord pour transmettre à son conseiller suite à notre entretien. Bien sûr, les informations qui relèvent de sa vie privée et qui n'interférent pas sur son projet professionnel ne sont pas transmises.
Votre métier et votre rôle auprès des jeunes sont-ils toujours bien compris par le reste de l’équipe ?
Oui, tout d’abord parce que la Mission Locale est fortement engagée dans le champ de la santé depuis plusieurs années : sur une équipe de trente personnes, nous comptons trois conseillers référents santé et un chargé de projet dans ce domaine.
Le fait que je sois salariée de la structure est également important, cela permet de ne pas être dans une logique de prestation mais que je sois bien intégrée à la vie de l’équipe.
Ensuite, la composition de l’équipe a peu changé sur les dernières années, ce qui garantit une continuité des actions et de l’engagement que nous avons dans ce domaine. Tous les conseillers ont été formés à la question du handicap par exemple, ils sont en mesure d’identifier d’éventuels handicaps chez les jeunes, même si cela nécessite une mise en relation avec moi pour le confirmer.
Toutes les six semaines, je propose également des temps d’échanges de pratiques aux conseillers, sur le principe de la libre adhésion. Pendant trois heures, nous échangeons à partir d’un cas pratique sur le thème des maladies mentales, des addictions, des traumatismes.
Votre présence au sein de la Mission Locale apporte-t-elle une plus-value dans le travail avec les partenaires ?
D’une manière générale, nous travaillons très bien avec nos partenaires dans le champ de la santé. Ma présence au sein de l’équipe est un plus dans la relation avec nos partenaires comme avec les jeunes, mais cela ne fonctionne que parce qu’il y a un travail d’équipe.
Si je prends l’exemple du handicap : lorsque les conseillers identifient qu’un jeune a des troubles qui pourraient être d’ordre psychique, ils m’orientent les jeunes. Je vais alors vérifier de quel ordre sont les troubles et, le cas échéant, prendre contact avec un médecin psychiatre. Ma fonction facilite cette mise en relation. Mais certains médecins sont également ouverts à discuter directement avec les conseillers référents santé.
Dans le même ordre d’idées, les orientations des jeunes vers les Etablissements et services d’aide par le travail (ESAT) du territoire ont été renforcées avec la sensibilisation et la formation de l’ensemble de l’équipe à la question du handicap.
Par ailleurs, nous menons un travail conjoint avec des partenaires comme les Espaces dynamiques d’insertion (EDI). En effet, tout comme nous, ces acteurs tendent à se spécialiser sur la question des troubles psychiques car ils accueillent de plus en plus de jeunes confrontés à de telles difficultés.
Enfin, je participe aux Réunions d’études de situation d’adultes en difficulté (RESAD), mises en place dans le cadre des ateliers santé ville. Ce sont des occasions pour rencontrer les autres professionnels de santé du territoire.
Pour en savoir plus :
Sur le site de l'UNML, retrouvez l'interview de Céline de Sao Pedro-Zadigue, psychologue à la Mission Locale du Val d’Yerres-Val de Seine, qui revient sur le métier de psychologue en Mission Locale
Sur le forum PEPS, consultez un exemple de programme de l’action Escale confiance.
