Une action à 360 degrés pour travailler sur la mobilité géographique et psychosociale
La Mission Locale de l’arrondissement de Langres (52) et la communauté de communes d’Auberive, Vingeanne, Montsaugeonnais ont souhaité se mobiliser pour mieux connaître et monter des actions pour lever les freins auxquels les jeunes résidant dans un territoire rural sont confrontés dans leurs parcours d’accès à l’autonomie. Une phase de diagnostic a permis d’identifier que les jeunes avaient besoin d’être accompagnés dans le champ de la mobilité, géographique comme psychosociale. Stéphanie Cuabos est référente du site de Prauthoy qui intervient sur la permanence du site « Prauthois » de la Mission Locale. Elle détaille l’objectif, les étapes et les résultats de cette action qui est renouvelée pour la seconde année.
Quelles sont les caractéristiques du territoire sur lequel vous intervenez dans le cadre de cette action ?
J’interviens sur la communauté de communes d’Auberive, Vingeanne, Montsaugeonnais, un territoire de 750 km2.
Une des caractéristiques de ce territoire est qu’il n’est pas du tout desservi par les transports en commun. En semaine, seuls les bus scolaires circulent, mais ils sont souvent bondés. Pendant les week-ends et les vacances scolaires, il n’y a aucun moyen de transport collectif.
Tous les 15 jours, je tiens une permanence à Prauthoy, une commune de 500 habitants, située à 25 kilomètres de la ville de Langres. Je reçois 5 à 8 jeunes à chaque permanence. Beaucoup parmi eux viennent aux rendez-vous à vélo, en faisant parfois plus de 15 kilomètres pour me rencontrer.
Les jeunes accueillis, de par leur isolement, ont un besoin d’un accompagnement suivi et régulier.
Pour quelles raisons avez-vous mis en place cette action spécifique autour de la mobilité ?
Tout est parti d’un diagnostic partagé entre la communauté de communes et nos services sur les difficultés rencontrées par les jeunes sur ce territoire.
A l’aide d’un outil d’analyse et de diagnostic, le Protocole d'élaboration et d’évaluation des parcours d’insertion (PEEPI) du cabinet Sumak- V.Osmont, nous avons pu identifier quelles sont, à un moment T, les principales difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes.
Les entretiens menés ont confirmé la mobilité comme l’un des freins les plus importants. Pas seulement la mobilité physique, mais aussi la mobilité psychosociale des jeunes, qui, pour certains, ne peuvent pas envisager de se déplacer jusqu’à Langres.
Par ailleurs, beaucoup de jeunes qui souhaiteraient être plus mobiles ne parviennent pas à financer l’examen du code de la route ou le permis de conduire.
Quels sont les objectifs visés par l’action ?
L’objectif est que les jeunes gagnent en autonomie à travers une meilleure connaissance des acteurs en présence sur le territoire et en pratiquant, avec eux, la mobilité de manière ludique et très concrète, en faisant ensemble.
Par ailleurs, les jeunes qui s’engagent dans l’action sont soutenus financièrement pour prendre des leçons de code de la route ou de conduite.
Quelle est la durée de l’action ?
Nous avons bâti un programme sur une durée de quatre à six semaines, à raison de trois jours par semaine.
Quelles sont les principales activités auxquelles les jeunes prennent part ?
L’idée est de proposer une offre variée, qui permet d’aborder la mobilité à travers différentes entrées.
J’anime un atelier autour du budget, en mettant les jeunes en situation. Ils doivent rentrer dans la peau d’un couple qui vit avec un salaire moyen et qui doit inclure dans son budget le remboursement d’un prêt bancaire pour financer l’achat d’un véhicule. Les jeunes doivent effectuer des recherches sur le véhicule, trouver celui qui est le plus adapté et à moindre coût. Ils font des recherches sur les prêts bancaires et tout ce qui existe en terme d’assurance. Cet atelier est un prétexte pour que les jeunes discutent et échangent.
Un second atelier consiste à ce qu’ils se posent la question des moyens de transport les plus adaptés pour se rendre d’un lieu à un autre, en choisissant les destinations qui serviront de cas pratiques. Comment se rendre de Dijon à l’Australie par exemple, avec un budget prédéfini. Ils ont étudié les moyens de se déplacer tels que le covoiturage, le train, un véhicule personnel, l’avion, les transports collectifs.
Pour certains jeunes, ces ateliers ludiques leur permettent de prendre conscience que même avec peu de moyens, on peut être mobile.
Trois associations qui travaillent sur la mobilité également sont intervenues auprès des jeunes pour leur présenter ce qui existait en matière de transport sur le territoire et comment ils pouvaient s’impliquer dans ces associations pour les faire vivre.
Enfin, nous nous déplaçons beaucoup au cours de l’action. La Mission Locale dispose d’un bus qui permet d’aller ensemble à la rencontre d’agences d’intérim, d’entreprises telles qu’une des entreprises de soudure parmi les plus importantes en terme d’activités sur le territoire. Le directeur leur a présenté le fonctionnement de l’entreprise et leur a donné des conseils sur ce qui lui semblait important de mettre en avant dans la recherche d’emploi. Ils ont également échangé sur les opportunités d’emploi dans le secteur.
Comment faites-vous en sorte que les jeunes adhèrent à la dynamique collective engagée ?
Le rythme de l’action est très soutenu. Il faut être attentif à ce que les jeunes ne décrochent pas. Nous avions bâti un programme mais j’ai toujours fait attention à l’adapter, nous ne sommes jamais restés un après-midi sur le même sujet.
Il faut aussi s’adapter aux problématiques de mobilité auxquelles les jeunes sont confrontés : elles sont différentes selon les jeunes. Certains d’entre eux n’ont que leur vélo pour se déplacer, il m’est arrivé à plusieurs reprises de raccompagner des jeunes chez eux en voiture.
Quel bilan tirez-vous de cette action et quelles sont les perspectives ?
10 jeunes ont participé à l’action cette année.
Une partie d’entre eux a obtenu un soutien financier pour passer l’examen du code de la route et une autre partie a pu se faire financer 5 à 10 heures de conduite.
Pour l’année prochaine, nous réfléchissons encore aux freins sur lesquels travailler. Le logement est aussi une problématique sur laquelle nous pourrions travailler.
Un autre point positif de cette action et qu’il me semble essentiel de ne pas oublier, est que nous accompagnons les jeunes de manière globale à travers cette action. Une des écoles de conduite avec laquelle nous travaillons en proximité nous avait par exemple alertés sur le fait que l’une des jeunes femmes ne parvenait pas à se concentrer et réussir les tests du code de la route. Nous en avons échangé avec elle et l’avons accompagnée pour prendre un rendez-vous chez l’ophtalmologue.
Quel est le budget de l’action ?
Il s’agit d’un budget qui reste modeste, 3000 € au total mais qui nous permet de mettre l’accent sur des actions qui nous semblent indispensables.
Dans toutes les actions que nous entreprenons en milieu rural, nous sommes fortement soutenus par Charles Guené, Sénateur de la Haute-Marne et maire de Montsaugenonnais. Ce soutien d'un élu local est essentiel.
Pour en savoir plus :
Contactez Stéphanie Cuabos à la Mission Locale de l'arrondissement de Langres
Le gouvernement a commandé au Conseil économique, social et environnemental (CESE) un avis sur "la place des jeunes dans le monde rural". Victoria et Gaëtan Tisserand, accompagnés par la Mission Locale de l'arrondissement de Langres, ont été auditionnés dans ce cadre le 13 octobre dernier et l’interview de Victoria Tisserand paraîtra dans l’Info hebdo du 25 octobre prochain. »
