« Nous avons remis la notion de plaisir au cœur de l’accompagnement »
Propos de Delphine Roux, responsable territoriale à la Mission Locale Montpellier Méditerranée Métropole. Afin de mieux répondre aux besoins des jeunes qu’elle accueille, la Mission Locale de Montpellier propose un accompagnement dynamique, alliant temps en collectif et en individuel. D’une durée de trois mois et construite sur un rythme progressif, cette démarche permet aux jeunes de se remobiliser et de se préparer à vivre des expériences professionnelles.
D’où est partie l’idée de mettre en place cette forme d’accompagnement renforcé en direction des jeunes ?
En 2014, nous avons conduit un séminaire d’équipe pour réinterroger notre manière d’accompagner les jeunes. Nous avions identifié qu’une partie d’entre eux étaient fuyants, parvenaient de moins en moins à s’engager dans la durée. Les conseillers me faisaient remonter que certains jeunes étaient « empêchés », très inhibés, qu’ils n’avaient pas confiance en eux.
Lorsqu’on leur proposait une action à entreprendre, ils ne savaient pas par où commencer et passer à l’action. On sentait qu’ils avaient besoin d’être accompagnés physiquement dans leurs démarches.
Partant de ce constat, nous sommes allés interroger nos partenaires sur le terrain et en particulier dans les quartiers en leur demandant de nous livrer leur regard sur la situation des jeunes et quels étaient, selon eux, les axes sur lesquels la Mission Locale pourrait travailler davantage. Beaucoup de partenaires faisaient le même constat de durée et de parcours dans lesquels les jeunes ne parvenaient pas à s’engager.
Ces échanges ont enrichi notre analyse et nous avons engagé un changement de posture et proposé de mettre en place un accompagnement renforcé. C’est à ce moment que l’opportunité de financer des actions d’accompagnement via les fonds européens (le fonds d’Initiative pour l’emploi des jeunes - IEJ) est arrivée, nous avons donc saisi cette opportunité.
Quel est le public concerné par cet accompagnement ?
L'accompagnement s'adresse à des jeunes qui ont envie de changement, mais qui, paradoxalement, sont peu aguerris et ont besoin d'être accompagnés dans chacune de leur démarche.
Il n'y a pas de critères liés à l'âge ou au niveau de diplôme ou de qualification à l'entrée, cela permet d'ailleurs une certaine diversité des profils et c'est une richesse pour le groupe.
En quoi consiste l’accompagnement mis en place ?
Nous avons proposé un programme innovant sur une durée de trois mois, renouvelable une fois. On peut identifier trois piliers à cette démarche :
Il s’agit d’un programme court qui vise à répondre aux demandes des jeunes qui ont envie de travailler immédiatement ;
C’est un accompagnement intensif, c’est-à-dire que les jeunes nous voient deux fois par semaine : en individuel et en collectif. Il ne s’agit pas de les réunir ponctuellement à l’occasion d’une information collective mais bien de créer une dynamique au sein du groupe, de créer ce sentiment d’appartenance à un collectif et de plaisir à se retrouver pour partager et échanger ;
Enfin, il s’agit de veiller à adopter la bonne posture en tant que professionnels, de faire un pas de côté en acceptant de faire avec les jeunes, voire au début à leur place, et non pas de se limiter à leur dire ce qu’il faut qu’ils fassent.
Un élément clé et structurant de cette action a été de remettre la notion de plaisir au cœur de l’accompagnement : le plaisir à échanger, vibrer, ressentir, remettre du désir au cœur des actions que les jeunes entreprennent et du sens dans leurs démarches. S’il n’y a pas de plaisir, il n’y a pas de motivation.
Quel est le planning des jeunes sur les trois mois ?
Lors du premier mois, l’objectif est de favoriser la cohésion de groupe, on les accueille autour d’un petit déjeuner on soigne l’accueil qui leur est réservé.
Dès la deuxième semaine, on travaille sur la communication, en partant des animations et ateliers que nous avons l’habitude de mener avec les jeunes, comme l’atelier des couleurs (styles de personnalité et modes de communication).
A la fin du premier mois, ils participent à une semaine de théâtre. Au cours de cette activité, le maître mot, c’est le plaisir. L’objectif est de travailler sur les modes de communication et la communication non verbale, de comprendre et analyser ce que je dis avec mes gestes, mon rythme, mon débit de parole, mon intonation. Le fait de s’amuser, de s’autoriser à improviser, a été libérateur pour beaucoup de jeunes. Là aussi, le rythme des journées évolue de manière progressive car l’objectif est de donner envie aux jeunes de revenir le lendemain. Cette pratique théâtrale est souvent une étape importante pour les jeunes, qui sont eux-mêmes surpris d’avoir envie de recommencer d’un jour sur l’autre. Souvent ils nous disent que ça faisait longtemps qu’ils n’avaient pas eu envie de se lever le matin.
Dès le deuxième mois, on centre nos efforts sur le départ en entreprise, et la recherche d’une période de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP). On accepte de faire de l’intermédiation et de chercher parfois pour eux. C’est à ce moment là que nous approfondissons le travail sur le projet, que nous permettons aux jeunes d’affiner leurs connaissances sur les métiers, les outils de recherche d’emploi mais sur eux-mêmes, en valorisant leurs réussites et aptitudes.
En parallèle et pendant toute la durée de l’accompagnement, des ateliers leur sont proposés autour de la santé, de la mobilité et toutes les ressources de la Mission Locale leur sont mises à disposition.
Hormis cette semaine d’expression théâtrale, quels sont les autres ateliers auxquels les jeunes ont participé ?
En 2015, nous avons mené 25 ateliers expérimentaux allant de la danse hip-hop, à la vidéo, en passant par le cirque, les activités de pleine nature, le théâtre ou encore le chant. Nous avons mobilisé un ensemble de partenaires de la Mission Locale autour de ce projet, puis nous avons réajusté sur un besoin crucial qui est de travailler la communication. L’outil théâtre est en ce sens le plus éloquent.
Comment avez-vous réparti et organisé ce programme au sein de la structure ?
Un groupe de 12 à 15 jeunes démarre l’accompagnement tous les deux mois en moyenne.
Les groupes sont répartis au sein de chacune des trois antennes de la Mission Locale : Croix d’argent, Mosson et Centre-ville.
Un conseiller accompagne jusqu’à trois groupes.
Afin de coordonner les actions entre les différents sites, une réunion a lieu tous les mois entre les professionnels directement concernés.
Un an et demi après la mise en place de cet accompagnement, quel bilan tirez-vous ?
La première année, nous sommes partis au maximum des attentes des jeunes pour construire ce programme. Ils pouvaient s’engager dans l’atelier de leur choix parmi une offre très variée.
L’ensemble de ces propositions a reçu un écho très positif auprès des 280 jeunes accompagnés dans ce cadre en 2015. Le rythme soutenu et dynamique a été moteur pour une très grande partie d’entre eux. Les abandons qui ont pu survenir lors de la première année nous ont permis de réajuster l’offre, pour mieux coller aux souhaits et besoins des jeunes en termes de contenu et de rythme.
Pour 70 à 100% des jeunes, l’accompagnement leur permet de se remettre en dynamique, de reprendre une trajectoire, un projet : certains jeunes repartent en formation, signent un contrat d’apprentissage, un contrat aidé, etc.
